Maudit verrou, 2021 Exposition personnelle à la Cité Pierre Louaïl, Rennes-FR

Images : © Alexandre Texier - © Germain Marguillard

Liste des œuvres : Les gardien·nes, 2021, céramique, 20x35x15cm chaque. Fripon, 2021, céramique, cire d’abeille, crâne de renard, 60x20x20cm. Papa Legba, 2021, céramique, cire d’abeille, chaînes, 35x30x30cm. In Vino Veritas, 2021, série de masques, charbon, sanguine, craie et vernis sur bois, dimensions variables. Procession, 2021, céramique, cire d’abeille, gaffer, 25x55x40cm. Masque volatil, 2021, céramique, 20x30x10cm Digital detox, 2021, céramique, cire d’abeille, câbles électriques, bois, serflex, plastiline, dimensions variables.

Textes : (FR) La pratique de Germain Marguillard est concentrée autour de gestes d’assemblage et d’association d’éléments extérieurs dans l’espace artistique. La pensée assemblagiste qui préside à la construction de Maudit Verrou est cette hétérogénéité irruptive, que Gilles Deleuze a appelé une «pensée du dehors”. L’oeuvre prend la forme d’un ensemble de structures de mobilier en bois réalisées à partir de caisses de transport. L’artiste y place des éléments utilitaires et technologiques à côté de répliques en cire et en céramique d’objets ethnologiques, totémiques et magiques. Germain joue avec les signes comme avec les images pour former une syntaxe combinatoire, relationnelle, qui s’appuie sur la mise en relations d’unités fragmentées dans un dispositif à l’intersection de sculptures, d’installations et d’environnements. Ce bricolage de formes est une composition chaotique, mettant en avant les réseaux sémantiques fournis par les images ou les mots, comme dans son titre Maudit Verrou qui renvoie à «mot dit vers où”. Germain pense ses oeuvres comme un système formel d’écriture plastique mais surtout, dans une perspective lévi-strausienne du bricolage, comme un modèle de réflexion. L’anthropologue, proche des avant-gardes, avait élaboré une méthode structuraliste d’une pensée combinatoire élevée au rang de science : une pensée «sauvage” anhistorique qui travaille sur des “ruines” et des mythes archaïques :

“[...] le propre de la pensée mythique, comme du bricolage sur le plan pratique est d’élaborer des ensembles structurés, non pas directement avec d’autres ensembles structurés, mais en utilisant des résidus et des débris d’événements : [...] des bribes et des morceaux, témoins fossiles de l’histoire d’un individu ou d’une société [...]”. Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Librairie Plon, 1962, p.32

On retrouve dans la pratique du bricoleur-assemblagiste de Germain ce souci des objets “bricolés” articulé à une méfiance à l’égard de la culture occidentale moderne, et un intérêt pour les cultures vernaculaires et les forces occultes. Dans la production d’objets dérivés, l’installation semble digérer, réinterpréter et détourner des images et des récits issus de mythologies antiques, extra- européennes et contemporaines. Les formes de l’installation sont inspirées des cultes rendus à des divinités du passage, Hermès, Hécate et Papa Legba, des figures mythologiques qui se situent chacune aux croisements de différentes cosmogonies, et que l’artiste prolonge dans la sphère numérique. Cette pratique artistique et intellectuelle de l’assemblage, entre les mains de l’artiste, vise à la fois à remettre en cause des modèles dominants de la pensée occidentale, et à ouvrir une brèche sur d’autres formes de récits inédits, alternatifs et mystiques. -> Pierre Ruault

Maudit Verrou, 2021 Solo exhibition at Cité Pierre Louaïl, Rennes-FR

Images : © Alexandre Texier - © Germain Marguillard

List of works : The guards, 2021, ceramic, 20x35x15cm each. Trickster, 2021, ceramic, bee wax, fox skull, 60x20x20cm. Papa Legba, 2021, ceramic, bee wax, chains, 35x30x30cm. In Vino Veritas, 2021, charcoal, sanguine, chalk, and varnish on wood, variable dimensions. Procession, 2021, ceramic, bee wax, gaffer, 25x55x40cm. Volatil mask, 2021, ceramic, 20x30x10cm. Digital detox, 2021, ceramic, bee wax, electric wires, wood, plastiline, variable dimensions.

Texts : (EN) Germain Marguillard's practice revolves around gestures of assembly and association of external elements within the artistic space. The assemblage thought that governs the construction of Maudit Verrou is this intruding heterogeneity that Gilles Deleuze has called the "thought of the outside". The work takes the form of a series of wooden furniture structures made from shipping crates. The artist juxtaposes utilitarian and technological elements with wax and ceramic replicas of ethnological, totemic and magical objects. Germain plays with signs and images to form a combinatorial, relational syntax based on the relationship of fragmented units in a device at the intersection of sculpture, installation and environment. This bricolage of forms is a chaotic composition that highlights the semantic networks provided by images or words, as in his title Maudit Verrou, which refers to "word said to where". Germain sees his work as a formal system of plastic writing, but above all, from a Levi Strausian bricolage perspective, as a model for reflection. The anthropologist, who was close to the avant-garde, had developed a structuralist method of combinatorial thought that had been elevated to the rank of science: an ahistorical "wild" thought that worked on "ruins" and archaic myths:

"[...] the peculiarity of mythic thinking, like of bricolage on the practical level, is that it elaborates structured wholes, not directly with other structured wholes, but by using residues and debris of events [...] bits and pieces, fossil witnesses of the history of an individual or a society [...]": [...] bits and pieces, fossilised witnesses to the history of an individual or a society [...]". Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Librairie Plon, 1962, p.32

Germain's practice as a bricoleur-assemblagiste reflects this preoccupation with 'bricolage' objects, combined with a distrust of modern Western culture and an interest in folk cultures and occult forces. In producing derivative objects, the installation seems to digest, reinterpret and redirect images and narratives from ancient, extra-European and contemporary mythologies. The forms of the installation are inspired by the cults devoted to the deities of passage, Hermes, Hecate and Papa Legba, mythological figures situated at the crossroads of different cosmogonies, which the artist extends into the digital sphere. This artistic and intellectual practice of assemblage, in the hands of the artist, aims both to challenge dominant models of Western thought and to open up to other forms of novel, alternative and mystical narratives. -> Pierre Ruault